Changer d'école et perdre ses amies
Juliette a 14 ans. Elle est nouvelle à l’école qu’elle fréquente. Elle ne parle à personne ou presque, refuse de se faire des nouvelles amies et lorsqu’elle n’en peut plus de se taire, elle a mal dans son corps, quand ce n’est pas son ventre qui se tord, c’est sa tête qui veut éclater. Ses résultats scolaires annoncent des échecs. Elle s’en fout qu’elle dit. Elle a de la difficulté à s’adapter à sa nouvelle école, c’est ce que l’infirmière scolaire et les professeurs disent d’elle lorsqu’ils en discutent. Mais si on se donne la peine de lui donner la parole et de l’écouter, on entend qu’elle a beaucoup de peine et de colère. Elle manque et s’ennuie de ses amies de l’ancienne école.
En fait Juliette est simplement en deuil,. Elle a de la peine qui, non dite et non entendue, se transforme en colère contre elle, contre les camarades qui s’approchent d’elle pour la connaître, en colère aussi contre sa nouvelle école qu’elle juge d’aplomb. Le deuil des amis pour un adolescent est un passage difficile et très souffrant. Vu avec nos yeux d’adultes ce deuil sans décès est souvent banalisé, avec des phrases comme : "ce n’est pas grave, des amis tu t’en feras d’autres"….rien n’est certain. Pour s’ouvrir à d’autres amitiés, Juliette a besoin de traverser son deuil, de s’approcher de sa peine et de son manque afin de contacter son besoin d’amitié nouvelle. Elle a besoin de pleurer, d’être entendue avec empathie. Pour les adolescents c’est parfois difficile de surmonter une perte importante, car en plus du deuil des amis, c’est toute l’adolescence comme période de vie qui est troublante et difficile à vivre.
À l’adolescence, le monde des amis est un espace privilégié pour construire leur identité, leur estime de soi, et leur confiance. Avec les amis ils apprennent à développer des compétences relationnelles de communication, à forger leur valeurs, à prendre leur place dans un groupe. C’est le moment des meilleures amies, du premier amour. Perdre d’un coup ses amies, son école, est une épreuve difficile pour un adolescent. Un des aspects les plus difficiles dans ce deuil c’est que souvent les adultes ou parents vont négliger d’être sensible à cette souffrance qui peut paraître comme un refus d’avancer vers la nouveauté.
Chaque jour je croise Juliette à l’école, je la vois s’enfermer dans la solitude croyant que personne autour d’elle ne peut comprendre ce qu’elle ressent. Pour éviter que ses parents banalisent son vécu, elle refuse de leur parler de son chagrin d’avoir perdu ses amies. Avec cette peur d'être banalisée dans ce qu'elle vit, elle apprend à se taire et à s’arranger toute seule afin d’éviter de souffrir de se sentir banale avec son chagrin. Le refoulement deviendra doucement, une stratégie qu’elle utilisera sans effort à chaque nouveau chagrin, et aussi à chaque nouveau deuil que la vie lui présentera. Et qui dit refoulement dit aussi débordement de colère intense, mal dirigée.
Si votre amie est en deuil aidez là à vous parler de ce qu’elle ressent. Si vous ne vous en sentez pas la force conseillez lui d’aller chercher de l’aide auprès du personnel d’aide psychologique de son école, si elle refuse amenez la vous-même par la main avec tout votre cœur lui disant que vous avez de la peine avec elle de la voir s’enfermer dans le silence.
Et si vous êtes parent d’une adolescente en deuil et en colère d’avoir perdu ses amies, soyez disponible pour l’écouter dans son deuil sans la juger, et sans vous culpabiliser surtout. Toutefois si vous observez qu’elle persiste à s’isoler, que son fonctionnement à l’école est perturbé, qu’elle est constamment en colère, votre adolescente a besoin d’aide, et c’est de cela qu’il faudra parler avec elle.